NORMAN MAILER, A l’occasion du 30è anniversaire du premier pas de l’Homme sur la Lune
1 janvier 1995 / Textes et poèmesBIVOUAC SUR LA LUNE
(extrait)
Il lâcha l’échelle et s’avança pour quelques pas sur la Lune, des pas étranges et bondissants, qui faisaient un peu penser à un cheval remontant au trot une pente abrupte. Ç’aurait pu être un moment comparable aux premiers pas qu’il fit lorsqu’il était bébé car il n’avait rien à quoi se cramponner et il n’osait pas tomber: le sol était chaud, les pierres risquaient de déchirer sa combinaison. […]
On se déplaçait plus vite que sur la Terre et avec moins d’efforts, mais c’était plus difficile de s’arrêter: Il fallait choisir l’endroit où stopper quelques mètres avant. Oui, une fois qu’on bougeait, c’était plus facile, mais on était maladroit au début et à la fin à cause des courbes rigides de la combinaison spatiale. Et une fois qu’on était debout immobile, le sens de la verticale était délicat. On pouvait se pencher en avant plus loin qu’on ne s’en doutait. Ou en arrière. Comme une aiguille sur un cadran, on devait osciller d’un côté à l’autre de la verticale pour trouver sa position. C’était une impression qui ressemblait peut-être à celle qu’on éprouve en skiant avec un enfant sur son dos. […]
– Armstrong : » Extraordinaire, hein ? Quelle vue splendide ! «Â
– Aldrin:  » Une splendide désolation.  »
Ils regardaient un terrain qui leur apparaissait avec une netteté comme ils n’en avaient jamais vu sur Terre. Il n’y avait pas d’air bien sûr, et donc pas de vent, pas de nuages, pas de poussière, pas même le plus petit éparpillement de lumière à partir de la plus infime des particules microscopiques qu’on peut trouver par un jour clair sur Terre. Non, rien de visible ou d’invisible ne se déplaçait dans le vide devant eux. Toute la lumière était pure.
Référence : Traduction de Jean Rosenthal . Extrait de