RICHARD BACH
1 septembre 1997 / Textes et poèmesJONATHAN LIVINGSTON LE GOELAND
Un soir que les goélands qui n’étaient pas de vol de nuit se tenaient assemblés sur le sable, méditant, Jonathan s’arma de courage et s’avança vers l’Ancien des goélands qui, disait-on, devait bientôt quitter leur monde.
– Chiang…, murmura-t-il un peu nerveusement.
Le vieux goéland le regarda avec bonté.
– Oui, mon fils ?
Au lieu d’affaiblir l’ancien, l’âge avait accru sa puissance; il pouvait, en vol, surclasser tous les autres goélands de la communauté et il avait acquis la parfaite maîtrise de domaines où les autres n’osaient s’aventurer qu’à petits pas.
– Chiang, n’est-il pas vrai que ce monde-ci n’a rien à voir avec le Paradis ?
La Lune éclaira le sourire de l’Ancien.
– Ah ! tu as découvert cela tout seul, Jonathan le Goéland ?
– Je le crois, mais alors quoi ? Où allons-nous ? Existe-t-il, ce lieu que l’on nomme le Paradis ?
– Non, Jon, il n’existe rien de tel. Le Paradis n’est pas un espace et ce n’est pas non plus une durée dans le temps. Le Paradis c’est simplement d’être soi-même parfait.
Il demeura un moment silencieux et ajouta :
– Tu es, n’est-il pas vrai, un oiseau très rapide ?
– J’… aime la vitesse, balbutia Jonathan interloqué, mais fier de ce que l’Ancien l’eût remarqué.
– Sois persuadé, Jonathan, que tu commenceras à toucher au Paradis à l’instant même où tu accéderas à la vitesse absolue.
[…]
Référence : préface et traduction de Pierre Clostermann. 1973. Flammarion